INTERVIEW – Jean-Yves Gilet, le directeur général du Fonds stratégique d’investissement, bras armé de l’État vis-à-vis des entreprises, compte lutter contre la désindustrialisation.
Jean-Yves Gilet est le directeur général du Fonds straté­gique d’investissement, détenu à 51% par la Caisse des dépôts et à 49% par l’État.

LE FIGARO. -Le Fonds stratégique d’investissement a 3 ans et vous êtes à sa tête depuis un an. Quel bilan faites-vous aujourd’hui?

Jean-Yves GILET. -Depuis sa création, le FSI a investi en direct dans 63 entreprises pour plus de 24,9 milliards d’euros. Si l’on y ajoute les fonds sectoriels qu’il a créés et ceux auxquels il a contribué, ce sont près de 6 milliards d’euros qui ont été investis en trois ans dans 1.670 entreprises. Aujourd’hui, nous sommes un des principaux opérateurs de la place en terme de levée de fonds. J’ajoute que les investissements du FSI sont ciblés: ils ont essentiellement concerné quelques sec­teurs prioritaires: automobile, parapétrolier, aéronautique, ferroviaire, numérique et électronique.

Est-ce suffisant, dans le contexte actuel?

Bien sûr que non. La France traverse depuis des années une phase de désindustrialisation et nous devons participer à inverser la tendance, en misant sur les entreprises les plus performantes. Depuis trente ans, une petite musique laissait entendre que la France pourrait tourner sans usines. Il faut revenir sur cette idée et la crise le met en évidence: elle a montré l’importance de l’industrie dans l’équilibre d’une économie. Le rôle contracyclique du FSI trouve là tout son sens.

Lors du troisième anniversaire du FSI, Nicolas Sarkozy a affirmé que la France n’avait «pas besoin d’un hedge fund de plus». L’avez-vous ressenti comme un reproche?

Absolument pas. Le FSI n’a rien à voir avec un hedge fund. Il est un investisseur avisé, qui contribue à l’économie nationale tout en étant redevable, par sa gestion des deniers publics. Sur ces bases, qui n’ont pas changé, nous avons démontré notre capacité à prendre des risques dans des entreprises performantes. Le chef de l’État nous a demandé, à raison, de «l’audace». Aujourd’hui, le FSI est résolument à l’offensive. D’abord dans les régions. La création de FSI Région permettra de fournir un interlocuteur unique aux chefs d’entreprise qui ont besoin de financements. Nous devons aussi être offensifs pour les filières. En plus des fonds sectoriels que nous avons déjà lancés (automobile, bois, biotech, etc.), nous sommes déterminés à favoriser, en association avec les grands industriels concernés, la consolidation des filières de l’aéronautique, du ferroviaire, du nucléaire, et l’instrumentation médicale. Nous voulons enfin renforcer notre accompagnement des PME innovantes.

Et concernant les entreprises cotées?

Nous restons très vigilants à l’évolution de celles dont le contrôle pourrait être fragilisé, mais ce sujet a été moins d’actualité en 2011.

Avec la crise, voyez-vous les dossiers affluer?

Les entreprises ne font pas appel à nous parce qu’elles sont fragilisées par la crise ; elles le font parce qu’elles cherchent des financements de long terme. Elles ont besoin de stabilité. Le FSI est considéré comme un Fonds industriel et entrepreneurial, qui s’intéresse à l’insertion d’une entreprise dans son tissu industriel. Le FSI étudie en permanence 30 à 40 dossiers; notre but est de dénicher les plus beaux !

Les entreprises dans lesquelles vous avez investi sont-elles contraintes par la volonté du gouvernement de ne pas supprimer d’emplois en ce moment?

Nous avons toujours dit que les entreprises doivent être socialement responsables lorsqu’elles doivent faire des ajustements. Nous sommes toujours sur cette ligne. Des adaptations sur le front de l’emploi à un moment donné peuvent à moyen terme en sauver d’autres.

Le FSI se retrouve en position d’arbitre entre Séché Environnement et la Saur, la première de ces entreprises souhaitant prendre le contrôle de la seconde. Quelle est votre position?

Je ne m’exprimerai pas sur les discussions en cours. Mais revenons un instant à l’enjeu de fond: Séché et Saur sont deux belles entreprises, pour lesquelles nous avons depuis 2007 le projet d’en faciliter le rapprochement afin de créer un opérateur puissant. La Saur, cela dit, est confrontée à une dette très importante. Il faut donc trouver les meilleurs moyens pour qu’elle puisse passer ce mur de la dette.

Avez-vous senti votre statut de directeur général compromis?

Je suis là aujourd’hui, serein. Je vois les pouvoirs publics très régulièrement et je suis en parfaite harmonie avec mes actionnaires (État et CDC, NDLR ). Mon objectif, c’est la croissance des entreprises.