Les dirigeants sont parfois, « un peu », les héros des temps modernes par la multiplicité des tâches à accomplir. Et ils sont souvent bien seuls, surtout dans les petites ou moyennes structures comme les ETI, pour y faire face. La crise sanitaire du Covid a créé une nouvelle rupture dont les suites seront nombreuses et sans doute encore inconnues.
Tel Hercule et ses Douze Travaux, le dirigeant doit mener de pair avec ses collaborateurs un grand nombre d’objectifs, certains en temps court, d’autres en temps plus long, pour s’adapter en tirant les enseignements de cette crise inédite.
Le dirigeant peut et doit s’appuyer d’abord sur les ressources de l’entreprise, mais aussi sur son conseil d’administration et sur des appuis externes comme peuvent le fournir des consultants indépendants qui allient l’agilité et l’expérience, car il s’agit plus de gérer un projet que de se lancer dans de grandes études. Comment capitaliser sur cette crise pour se créer des opportunités de
transformation ?
Quelques pistes de réflexion, des convictions que je serais heureux de partager avec les entreprises et leurs dirigeants, pour choisir les priorités, chacune méritant un développement plus large :
Six travaux immédiats
1. Restaurer et maintenir la confiance par le dialogue
La crise a créé de nombreuses fractures (éloignement, différence de traitement selon les catégories, …) qu’une communication étroite et régulière peut résoudre. Le dialogue social est aussi important.
Privilégier l’écoute permet de renforcer, maintenir ou restaurer la confiance que l’entreprise a dans ses dirigeants. L’aspiration à adhérer aux objectifs de l’entreprise qui habite chacun, surtout dans les
plus jeunes générations, ne peut qu’en bénéficier.
2. Veiller à la santé
La crise sanitaire et la sortie de crise ont mis en exergue le rôle de l’entreprise pour la santé de ses personnels (mesures de protections et prise en compte des traumatismes que la crise a pu engendrer), même si l’ennemi (le virus) est externe à l’entreprise. Un Plan Santé au même titre que chaque entreprise a mis en place un Plan Sécurité au travail est nécessaire dans une logique de Plan de continuité qui a souvent fait défaut. Il doit perdurer au-delà de la fin de la période d’urgence sanitaire car il y a maintenant une attente de chacun pour une telle ambition sans parler des risques de syndrome post-traumatique. Et il faut se prémunir face à de nouvelles crises possibles non identifiées.
3. Reconstituer la trésorerie
L’arrêt total ou partiel des activités a mis à mal les trésoreries et le redémarrage n’effacera pas d’un coup de baguette magique ce gouffre. Les mesures d’aide d’urgence comme le PGE n’auront qu’un temps et de toute façon devront être remboursées. Le chômage partiel indemnisé avec un taux haut a allégé la trésorerie mais a continué à peser. C’est le moment de se repencher sur les coûts et le besoin en fonds de roulement, en plus de la reconstitution des marges. A part le retour à des ventes « normales », c’est en effet en interne que le chemin doit être accompli.
4. Organiser le retour aux conditions opérationnelles
De nombreuses installations ont été arrêtées en urgence ; leur redémarrage ne se passera pas toujours sans problème, d’autant qu’on doit apprendre à fonctionner pendant un certain temps en mode dégradé par rapport aux conditions antérieures, nécessitant beaucoup de flexibilité et une certaine forme d’agilité sans pour autant négliger ou abaisser les standards de qualité. La maintenance et l’adaptation des chaines de production à ces nouvelles conditions permettent d’apporter une réponse.
5. Renforcer la supply-chain amont et aval
A l’amont, de nombreux fournisseurs ou sous-traitants ont subi aussi de plein fouet la crise, souvent plus fortement plus haut on est dans la chaine de valeur et d’approvisionnement. Certains ne s’en relèveront malheureusement pas. Repenser sa chaine d’approvisionnement et de logistique en privilégiant des acteurs de proximité et en se focalisant sur des chaines courtes. A l’aval, on peut faire le même constat avec les clients et réseaux de distribution et en tirer aussi de nouvelles pistes d’action pour consolider son marché.
6. Organiser les suites du télétravail
Avant, le télétravail était restreint en particulier à certaines tâches administratives répétitives ou à la force commerciale. Le confinement a considérablement élargi le champ du possible y compris dans les fonctions de direction. Il a aussi créé une envie d’un travail « différemment » qui incite certains, notamment les jeunes générations, à rechigner à « revenir », pas seulement par crainte de la contagion mais aussi par le goût d’une nouvelle pratique. Doit-on revenir dans l’ex-ante ou permettre aux collaborateurs de bénéficier de ce nouvel espace de liberté sans nuire à l’efficacité ? Cela permet de réduire des coûts, notamment de bureaux. Mais pour autant il ne faut pas négliger le besoin d’un management de proximité car toute entreprise est avant tout une organisation humaine.
Six travaux juste après
7. Consolider la chaine managériale
La crise et le confinement ont permis de voir les collaborateurs sur un nouvel angle. Certains se sont révélés comme d’excellents joueurs en équipe, montrant par leur disponibilité, leur sens du collectif ou encore leur capacité d’innovation leur attachement aux valeurs de l’entreprise : solidarité, résilience, coopération, progrès, … D’autres au contraire ont montré de l’éloignement ou en ont tiré la conclusion de rechercher de nouvelles pistes de carrière. Une évaluation objective de ces situations permet de redéfinir le pool de talents sur lequel l’entreprise base son futur. C’est à la fois immédiat et dans la construction des futures organisations.
8. Mettre en place de nouvelles formes de télétravail
Le télétravail, quand cela était possible, a été la grande révélation de cette crise. Pour autant faut-il revenir en arrière ou au contraire le maintenir durablement dans certaines fonctions ? En faisant néanmoins attention à ne pas créer une fracture entre ceux pour qui c’est possible, les « cols blancs », et ceux pour lesquels le travail en atelier ou sur site, les « cols bleus » n’est pas remplaçable. Un autre point de vigilance est l’organisation du travail pour permettre les activités de co-construction demandant des collaborations entre plusieurs services, comme par exemple la gestion des projets qui nécessitent une forte coordination pour maintenir l’agilité des démarches.
Cela nécessite aussi de repenser les métiers et les fonctions en s’interrogeant sur ce qui est externalisable et ce qui ne l’est pas.
9. Définir les nouveaux modèles d’entreprise
L’adaptation de certaines entreprises aux besoins d’urgence (les masques, le gel, …) ont montré des ressources de flexibilité incroyables. De même le développement de l’e-commerce dans beaucoup de secteurs et pas seulement la grande distribution ou le renforcement des échanges numériques entre entreprises ont aussi démontré que de nouvelles pistes sont possibles. Repenser ses modèles d’entreprise (business models) existant et explorer les nouveaux segments de clients, les objectifs, les ressources nécessaires et les partenariats souhaitables. En refondant ainsi la stratégie de l’entreprise, recherchant une meilleure capture de la chaine de valeur, les dirigeants les préparent aux évolutions, plus ou moins fortes ou brusques, du futur et s’ouvrent de nouveaux marchés.
10. Poursuivre la numérisation
L’utilisation accrue ou toute nouvelle des outils de communications à distance, le développement du télétravail ont montré l’importance de disposer d’une infrastructure numérique solide. La poursuite des formes de télétravail impose une « industrialisation » de ces modes de communication à distance et de travail déplacé. De même, le besoin de flexibilité des outils de production et l’adaptation aux fluctuations souvent brutales renforcent les mérites de l’automatisation et de la robotisation des chaines de production. Enfin le développement du commerce électronique ou plus généralement de la relation client par voie numérique est une manière de garder un meilleur contrôle sur sa chaine de valeur. Sur ces trois champs, distincts, se confirme le besoin de poursuivre voire d’accélérer la numérisation de l’entreprise, généralement déjà bien engagée, pour renforcer la flexibilité de l’entreprise et la maitrise de son futur face à une concurrence qui ne restera pas inactive.
11. Penser la nouvelle organisation et les nouvelles formes de coopération
L’expérience du confinement ou plutôt du travail à distance qu’il a imposé ont montré l’efficacité d’une organisation décentralisée en mode collaboratif. Les organisations qui mettent ces deux adjectifs dans leur définition, qui bâtissent sur la confiance et la délégation, où tout ne remonte pas « en haut » montrent leur efficacité pour autant qu’elles soient dirigées par des directeurs qui montrent qu’ils incarnent ces valeurs du collectif et ainsi, en libérant les énergies. Elles montrent aussi plus d’agilité et in fine une croissance durable plus forte.
12. Saisir les opportunités pour rebondir
Beaucoup d’entreprises vont sortir affaiblies de cette crise et pour certaines durablement voire inéluctablement. Cela crée des opportunités pour celles plus solides qui pourront les racheter, seules ou avec des fonds d’investissement qui, eux, ont beaucoup d’argent, encore que ces derniers préfèrent généralement faire les opérations seuls. Se doter d’un trésor de guerre, soit parce qu’il préexistait à la crise, soit parce que certains de leurs métiers sont moins touchés par la crise voire en bénéficient, soit par ouverture du capital, soit … ouvre des options de croissance – ou de recentrage/réorientation stratégique – tout à fait accessibles à des valeurs réduites par rapport aux montants antérieurs. Choisir les cibles va relever de l’habileté des dirigeants qui mieux que quiconque connaissent leur environnement concurrentiel.
Ces pistes de réflexion ne sont pas exhaustives ; elles ne s’appliquent pas toutes à toutes les entreprises ni de la même manière. C’est là que l’échange avec un accompagnateur indépendant qui s’adapte à chaque situation peut être un atout pour les dirigeants.